Difficultés de recrutement en région : comment les PME peuvent-elles assurer la continuité des postes de direction grâce au temps partagé ?

Beaucoup d’entre nous ont déjà vécu l’une des situations suivantes : devoir recruter un collaborateur alors que notre secteur d’activité n’est pas le plus « glamour » (dans mon cas… les déchets et les appareils auditifs !), que notre localisation n’est pas « idéale » (« notre société est située dans une zone très centrale… dans le Centre de la France »), que le nom de notre société n’évoque absolument rien au commun des mortels, etc.

 

Sous l’influence de ces expériences pas toujours très simples, et dans le contexte d’une actualité qui nous pousse, plus que jamais, à réfléchir à nos modes de management et notre organisation du travail, nous avons interrogé des professionnels du recrutement sur le sujet suivant : « Quelles sont les difficultés de recrutement de cadres dirigeants pour les PME situées hors de l’Ile-de-France, et comment les aider, à la lumière des événements actuels ? ».

Quand « région » rime avec « plus long »…

De l’avis quasi-unanime de toutes les personnes interrogées, il est plus long pour une PME de recruter un membre de son comité de direction en région qu’en Ile-de-France. Alors que communément, on peut estimer de 3 à 4 mois le délai de la démarche de recrutement d’un cadre de direction en Ile de France (entre le début de la recherche, et la signature du candidat), une recherche en région peut prendre, selon les cas de « 20% de temps en plus », « deux mois supplémentaires » voire… « 3 fois plus de temps » pour les professionnels interrogés.

 

Si une différence peut être faite entre les métropoles régionales et les villes plus isolées, les cabinets rencontrent tout de même parfois des difficultés dans des endroits pourtant perçus comme attractifs tels que Marseille ou Aix-en-Provence.

 

Selon Frédérique Deriquehem, du cabinet Progress : « Le sujet n'est pas d'être au centre de Lyon ou à sa périphérie, mais de se situer dans un bassin d'emploi attractif ». A ce titre, certains estiment même que « le vrai antagonisme se situe entre Paris et la Province ».

 

Depuis quelques années on assiste à un regain d’intérêt des couples basés en Ile-de-France pour une installation en région, intérêt qui sera probablement accru après la période de confinement vécue pour certains parisiens hors de l'Ile-de-France. Néanmoins on constate souvent « un paradoxe entre une recherche de vie plus équilibrée mais une attente des services (culture, écoles, etc.) d’une métropole », qui selon Léonard Briot de la Crochais, Partner chez Abaq Lbo executive search, peut empêcher finalement les candidats de sauter le pas.

« On ne recrute pas un cadre… on recrute toute une famille ! »

Car avant tout, lorsqu’on recrute un cadre de direction avec 15-20 d’expérience, se pose la plupart du temps la question du futur poste du conjoint ou de la conjointe dans la nouvelle zone d’implantation. « L’enjeu, c’est de pouvoir gérer la double-mobilité du couple qui doit adhérer, à deux, au projet entrepreneurial » évoque Thibaut Roussey, fondateur et Managing Partner chez Alvedis Conseil.

 

Mais au-delà du couple, les enfants ont aussi leur mot à dire. De l’avis de Béatrice Gueyffier, consultante senior chez Chantal Baudron : « Ce sont les familles avec adolescents qui peuvent poser le plus de problèmes ». Au-delà du « déracinement » potentiel de son enfant à un âge où ses émotions sont exacerbées (!), émerge le sujet du niveau et de l’accessibilité des établissements scolaires du futur lieu de résidence, pour lesquels certains candidats peuvent se montrer exigeants.

 

Autre facteur qui prend de plus en plus d’importance : l’augmentation des gardes partagées lors des divorces qui compliquent un projet d’éloignement géographique.

 Toutes les fonctions ne sont pas logées à la même enseigne

Les limites évoquées plus haut sont toutefois à moduler. Yvan Coquentin, Partner chez Abaq Lbo executive search, se veut plus optimiste : « Dans le cas de recrutements pour des Comités Exécutifs ou des Comités de Direction, c’est souvent le projet entrepreneurial et la notion de création de valeur qui peuvent séduire les candidats. A la fin, le sujet de la localisation peut devenir secondaire ».

 

Mais il est sûr que recruter par exemple un profil de directeur digital loin de l’éco-système parisien peut se révéler compliqué. Sophie de Bièvre, Partner chez Vendôme Associés reconnaît « [qu’il] peut y avoir des différences en fonction des métiers couverts ». Si par exemple les directeurs industriels sont « par nature » habitués à ne pas travailler dans les centres-villes des grandes agglomérations où l’on trouve peu de sites de production, certaines fonctions sont plus difficiles à mobiliser en région et en zone rurale, comme c’est le cas par exemple de la fonction marketing. Les profils « technologiques » ou « innovation » font aussi partie des ressources difficiles à attirer hors de la capitale.

Quelle stratégie alors adopter pour les PME ?

1. Augmenter son pouvoir de séduction

 

Les PME sont souvent loin de posséder l’attractivité des grands groupes parce qu’elles n’en possèdent pas la notoriété ou ne peuvent pas forcément offrir les mêmes perspectives d’évolution. Il est donc important pour elles d’investir dans leur marque employeur et de mettre en avant leurs atouts, ainsi que ceux de leur région / localisation, par rapport à l’implantation de toute une cellule familiale : initiatives de l’entreprise, avantages, intégration et solidarité de l’équipe de direction, qualité de l’enseignement local, existence de réseaux et d’associations, etc.

 

 2. Se montrer flexible et faire quelques concessions

 

« Un cadre dirigeant peut être extrêmement motivé par une mission, il n’acceptera pas nécessairement facilement de diminuer sa rémunération pour autant », même si l’argument est souvent avancé par les entreprises que « le coût de la vie n’est pas le même qu’à Paris », précise Anita Pouplard, Managing Partner pour le cabinet Boyden.

 

Elizabeth Garforth, également Partner chez Boyden, évoque le fait que « de nombreux cadres dirigeants sont prêts à faire du « commuting »», à savoir habiter dans un lieu et travailler dans un autre. Avec les événements actuels et l’installation du télétravail comme un nouveau mode de fonctionnement, il y a fort à parier que les dirigeants seront plus ouverts, à l’avenir, à accepter que certains de leurs cadres soient présents une partie de la semaine, et réalisent leur mission depuis chez eux le reste du temps. Ceci est d’autant plus pertinent pour les postes dont une grosse partie de l’activité se déroule à l’international.

 

Dans l'ensemble, la flexibilité devra aussi se traduire par une ouverture plus grande sur les profils recherchés et pour certaines fonctions, « par l'acceptation que des profils puissent être pertinents pour l'entreprise de par leur expertise, leur personnalité et leur adéquation à la culture de l'organisation, sans forcément être issus du même secteur que celui de l'entreprise », précise Raphaëlle Pautrot, Senior consultant chez Maesina.

 

 3. Prendre le temps du recrutement en faisant appel à un expert en temps partagé pendant la période de recherche

 

« Les sociétés françaises pourraient s’inspirer de leurs cousines Outre-Manche, qui ont fréquemment recours à des managers de transition pendant la période de recrutement », confie Françoise de Metz-Noblat, consultante en chasse de tête. Ceci permet, à la fois pour les professionnels du recrutement, et pour les entreprises elles-mêmes, d’envisager avec sérénité la période de recherche de « la perle rare » … et d’éviter de laisser en jachère les dossiers et équipes des personnes parfois absentes de leur poste pendant plusieurs mois. Un avis partagé par Anne Stéphan, Managing Director chez Adeo Research, Svetlana Antic, de la société Ovélink et Stéphane Chabert, partner chez Steven Andrews Europe.

 

L’avantage d’un directeur de transition à temps partagé est qu’il permet aux entreprises de minimiser le budget alloué au global au recrutement. Ce peut être un moyen d’autant plus pertinent que sur une période transitoire, la présence du manager ne doit pas nécessairement couvrir un temps plein, car il s’agit d’assurer la continuité d’une mission plutôt que de mettre en place de nouveaux projets.

 

Les professionnels du recrutement pourraient ainsi proposer un service complémentaire à leurs clients et ainsi leur permettre d’éviter qu’un poste clef de leur organisation soit vacant trop longtemps.

 

Audrey VARONA-STONE

 

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